Pertinentes impertinences
Ce n’est qu’aujourd’hui que l’honorable Mabio Mavoungou Zinga, député de Loandjili, nous a fait parvenir le pamphlet qu’il a fait paraître en mai 2013 dans un opuscule insolemment titré :
Le vade-mecum du parfait tricheur ou comment gagner facilement les élections au Congo
Nous ne pouvons résister au plaisir de vous faire part de la dédicace qu’il a eu la gentillesse d’apposer sur notre exemplaire et dont vous pourrez apprécier tout le sens, après lecture du texte qu’il nous a autorisés à mettre en ligne en intégralité :
« Le courage, ce n’est pas l’absence de peur, mais la capacité à la dominer. Je continue à chérir l’idéal d’une société où nous aurons tous des chances égales. »
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Chaque élection passe avec son cortège d'irrégularités souvent programmées. Les observateurs internationaux rouspètent sans faire fortune. Les hommes politiques nationaux et la société civile sont dépités et expriment différemment leur exaspération : L'atmosphère est à saucissonner à la tronçonneuse : « A quoi bon parler puisque rien ne change» disent-ils. J'ai moi-même pensé renoncer car j'apparaissais comme un abbé ou un pasteur prêchant dans le désert. Mais, UM’BETI (le railleur) est arrivé avec un journal ventant les tristement célèbres épopées d'un membre du gouvernement candidat aux élections législatives. Et il m'a dit : « fais le U TAM'SI. Tout le monde a parlé mais personne n'écoute ; il faut sûrement sans cesse recommencer. Parle pour le pays ; donne le récit de l'utilisation consciente ou inconsciente de la manipulation électorale.»
J'ai ainsi convoqué ma mémoire et celles de nombreuses victimes et des témoins qui ont eu à affronter l'épreuve avec des preuves à l'appui. Cet opuscule arrive donc justement pour rendre témoignage des errements liés aux élections dans notre pays : Parler et écrire fait partie de la thérapie ; il s'agit non seulement de guérir, mais aussi de prévenir. C'est une autre façon d'être utile à son pays. J'écris aussi et surtout pour attirer en particulier, l'attention des militantes et militants du Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès Social (R.D.P.S. ).Je vous le dis en vérité : N'ayez pas peur. Parlez, dénoncez et revendiquez, vous trouverez le compromis sans compromission ; faites entendre votre voix et on vous respectera ; soyez vigilants et on ne vous trompera plus. Soyez des électeurs dûment avisés et des citoyens exemplaires. Dans ce sens, et devant la fureur concentrée et calculée des urnes, ayez le courage de ne pas vous battre et vous vaincrez. Les élections, c'est comme un match de football entre Barça et Réal ou PSG et OM, c'est Diables noirs contre Etoile du Congo, c'est Léopards contre l'As cheminots: Que le meilleur gagne!
Si ce message peut parvenir à toute la Congolie démocratisable, je n'aurais pas tout à fait perdu mon temps. En tournant en dérision le processus électoral, j'espère enfin pouvoir faire prendre conscience non seulement des enjeux, mais aussi et surtout des dangers encourus par et pour tous.Le ton humoristique est à dessein et la réalité des faits dénoncés, bien malheureuse et désastreuse pour une « démocratie en construction » (?) Par ailleurs, il sied de signaler qu'il y a néanmoins des circonscriptions où les élections se déroulent normalement. Organisateurs et candidats jouent le jeu démocratique à fond. Ils sont notre fierté et constituent la preuve que nous sommes capables de faire de bonnes choses. Ceux là, n'ont pas besoin de recourir à notre aide mémoire.
Les élections approchent ; et la tension monte dans les états majors des partis politiques. Une seule et même obsession hante tous les protagonistes : GAGNER. Oui, vous voulez gagner les élections ; mais vous ne savez pas comment vous y prendre. C'est pourtant facile :
Les uns prétendent qu'on ne peut pas perdre les élections que l'on organise soi-même. Et on s'enferme dans la tour du Mayombe ! C'est, comme dirait l'artiste, la théorie de « l'ethnie bombe.» Eh oui! L'ethnie d'abord et toujours ; le reste, tout le reste du monde, après.
Les autres veulent coûte que coûte accéder au pouvoir ; c'est « le quitte là que je m'y mette :» Et après, on proclamera fièrement que « c'est notre tour. Nous avons attendu longtemps!» Ils sont prêts à légitimer tous les abus y compris les coups d' Etat. En vérité, les uns et les autres sont parfois les mêmes. Ils sont les maîtres ou les chantres des partis ethnies. Tantôt au pouvoir, tantôt dans l'opposition, tantôt encore au pouvoir et dans l'opposition en même temps. L'ivresse du pouvoir les rend en effet sourds et aveugles à la misère de la multitude. Dans l'opposition, ils sont animés des plus belles intentions du monde et apparaissent comme les plus grands humanistes de la planète. Leur dénominateur commun est qu'ils sont surdoués dans les élucubrations électorales. La période électorale est, à priori, une zone de turbulences où tous les replis sont possibles : identitaires, religieux, sectaires… Je vous en prie, n'y succombez pas : le Congo, un et indivis, a seulement besoin d'un triptyque fait de patriotisme, de vérité, et de justice sociale. Ces trois piliers pourraient constituer le socle de notre action commune jusqu'à la castration des partis- ethnies. Les « outils » que renferme ce guide ont été ramassés dans toutes les circonscriptions et sont adaptables ; de telle sorte que les nuls en matière électorale à qui ces recettes sont destinées, changent de statut : Les amateurs deviendront rapidement des Grands Maîtres vénérés et les néophytes, de brillants professionnels. Evoquer le dispositif légal (très imparfait) en matière électorale dans notre pays, n'est pas l'objet de ces écrits. Par ailleurs, pour tricher ou frauder, il faut justement marcher sur le dispositif légal en vigueur. Après tout, le malfrat ne se moque t-il pas du code civil, du code pénal ou de toute autre loi tout simplement? Les mauvaises langues prétendent même qu'à cette allure, notre pays deviendrait premier producteur mondial des techniques de fraude électorale. Cependant, si ce vade-mecum est infaillible, il n'est pas pour autant exhaustif. En effet, comme toutes les innovations, les laboratoires de la triche fourmillent encore de multiples semences. Néanmoins, si vous suivez ces règles, si vous usez de ces pratiques, vous êtes sûrs d'accéder au pouvoir ou d'y rester ad vitam aeternam. A moins que Dieu ou le peuple n'en décide autrement car, comme me disait mon ami Claude du CQ 403, lui-même paraphrasant dit-on Jean Jacques ROUSSEAU : « c'est du peuple qu'il importe de mériter l'affection, car il est le plus fort et le plus puissant. »
Dans le même ordre d'idées, ai-je renchérit, le Président de la République a aussi dit avec sagesse et humilité dans son discours de clôture de la Conférence Nationale Souveraine, « qu'il ya une vérité fondamentale, incontournable : personne n'est au dessus du peuple, personne ne saurait se substituer au peuple.»
Mais si tel est le cas, a poursuivit mon ami, pourquoi la volonté du peuple n'est pas respectée ? Pourquoi les élections sont-elles toujours l'objet d'empoignes dans ce pays? Que faire ? Comment faire ?
C'est à chacun de se faire sa religion. Je me bornerai pour le moment à vous présenter le catalogue incomplet des pratiques que les professionnels de la triche utilisent pour ouvrir grandement les portes de la victoire annoncée. Il s'agit tout simplement d'un guide pratique des tripatouilleurs, d'un mémento de facilitation et de simplification plurielle des normes et procédures électorales.
La démonstration verticale autrement dit le principe de subsidiarité (de haut en bas) qui va suivre nous permettra de bien montrer comment des torrents de sueur, de larmes et parfois de sang coulent abondamment dans la vallée à l'occasion des élections.
Comme nous cheminons tous les jours à travers une forêt de symboles, c'est celui de la montagne qui semble le plus adapté pour décrire notre marche :
LE SOMMET
1- La première des choses à faire dès que vous accédez au pouvoir est de faire voter une bonne loi électorale : (découpage électoral en votre faveur; commission nationale indépendante( ?) à votre solde…) Le reste ira tout seul. Si vous arrivez au trône par un bon concours de circonstances et que vous trouvez cette loi scélérate, il faut la vicier davantage.
En effet, La posture des cadres supérieurs en charge des élections est capitale. « Les actes préparatoires des élections sont coordonnés et accomplis au niveau de chaque département sous l'autorité du préfet du département.»
A ce titre, Il faut inventorier tous les cadres du ministère en charge des élections qui vous sont fiables! Il faut donc principièrement recourir à ceux de l’ethnie, du village, du hameau voisin ou tout au moins à ceux qui émargent dans les registres du parti. Les autres cadres sont peut être compétents, mais ils n'ont pas tous la fibre subjective électoralement adéquate. Vous l'aurez compris; il faut partir sur des bases partisanes. Une intelligente épuration intellectuelle, ethnique ou départementale est donc nécessaire.
2- Les mêmes critères de nomination doivent prévaloir au niveau des maires d'arrondissements, des sous-préfets, des chefs de quartiers et chefs de villages.
3- Toutes les autres autorités administratives qui sont subordonnées aux premières sus citées doivent aussi être rouges et expertes ; c'est-à-dire qu'on ne doit même pas les soupçonner d'appartenir à un parti politique autre que le vôtre ou à la société civile.
Mêmement pour les membres de leurs bureaux respectifs ; parce que tous ceux qui ne sont pas avec vous, sont forcément contre vous.
4- La nomination des membres des bureaux de vote doit être sans équivoque.
Elle doit obéir à la même procédure que celle des autres responsables.
Ils doivent tous avoir la même idéologie que celle des tenants du pouvoir ; il est obligatoire que ces postes soient occupés essentiellement par :
- Les chefs de villages et chefs de quartiers ; (après tout, ils ont à craindre pour leurs postes)
- Leurs femmes, enfants, neveux et nièces peuvent être assesseurs de telle sorte que le perdiem ainsi alloué revienne toujours dans la famille.
5- il se peut aussi (cas rare) qu'un candidat potentiel mette à mal le vôtre dans une circonscription donnée, nommez le comme membre de la commission nationale d'organisation des élections sans son avis de telle sorte qu'il soit en situation d'incompatibilités ; le temps qu'il fasse des réclamations, vous l'enverrez se faire cuire un œuf!
6-Tous ceux qui ont des micros partis politiques se réclamant de la majorité présidentielle doivent les dissoudre ou les fondre dans le parti major afin de prétendre l'emporter, ou conserver un poste dans L'administration.
7- S'agissant de l'établissement des listes électorales, ne vous embarrassez pas de scrupules. Enregistrez tout ce qui existe, y compris les mineurs, les étrangers et même les morts.
Les mineurs à lister sont ceux de sang royal autrement dit ceux issus des parents tenants ou proches du pouvoir. Il faut en effet se souvenir qu'en matière électorale c'est « un homme, une voix.». Alors, plus vous êtes nombreux, mieux ça vaut.
Quant aux étrangers, il faut leur faire comprendre que leur séjour sur notre territoire tient à l'expression de leur vote. Ils doivent ainsi savoir que s'ils ne votent pas pour les tenants du pouvoir, ils seront expulsés sans autre forme de procès.
Enfin, il faut leur promettre que sitôt le vote terminé, ils auront tous la nationalité congolaise et pourront même se prévaloir d'être non seulement au pouvoir mais aussi et surtout, du pouvoir.
8- L'affichage des listes électorales doit se faire tantôt la veille, tantôt le jour J. Vous éviterez ainsi les nombreuses et inéluctables réclamations.
En ce qui concerne les cartes d'électeurs, vous veillerez à ce que leur établissement et leur distribution se fassent de façon sélective :
9- S'agissant de leur établissement, les militants proches du pouvoir doivent en avoir plusieurs chacun. C'est le système des doubles ou triples votants !
Ces prétendus électeurs, auront la mission d'aller voter de bureau en bureau au bénéfice du parti sans craindre d'être démasqués, la quasi-totalité des membres des différents bureaux de vote étant acquis à la cause commune.
10- Quant à leur distribution, elle doit se faire de façon sélectivement ordonnée ; Autrement dit, les chefs de quartiers et les chefs de villages doivent confisquer, subtiliser ou garder par devers eux les cartes des électeurs qu'ils soupçonnent de ne pas vouloir voter en faveur du parti qui les a nommés.
11- Si, suite à la confiscation, la pression des ayants-droits est assez forte, restituez-les auprès de vos chefs hiérarchiques. Ceux là au moins, sont sous la protection de la force publique.
12- Mais la période électorale est propice à tous les marchandages ; dans l'hypothèse où aucune pression n'est exercée sur vous, vous êtes sûrement en face des naïfs: dans ce cas, il n'est pas mauvais de leur délivrer les cartes d'électeurs moyennant une certaine somme d'argent. En un mot, vous les leur vendez tout bonnement. Et plus vous en vendez, mieux ça se fait sentir dans votre porte-monnaie!
13- A l'établissement et à la distribution sélective et conditionnée des cartes, il faut ajouter la désorientation des électeurs ; c'est une autre ruse : tous ceux qui ont des noms à consonance hors - tribu ne devraient pas recevoir leurs cartes d'électeurs ! Mais, si par mégarde, ils ont pu se les procurer, ils doivent aller voter dans les bureaux du quartier les plus éloignés possibles de leurs domiciles ; leur combativité doit être mise à rude épreuve.
14- A contrario, tous ceux qui ont des noms familiers doivent le faire non loin de leurs habitations ; c'est plus cool et plus clean.
15- Pendant la campagne électorale, le candidat de la majorité présidentielle doit dire aux électeurs que, « s'ils ne le votent pas, le pouvoir lui, le nommera inévitablement. » C'est la meilleure façon de les décourager, de leur faire savoir qu'en définitive leur vote ne compte pas.
16- De même, avant et pendant le vote, n'oubliez pas de dire aux électeurs que s'ils ne vous votent pas, le gouvernement ne construira plus les routes qui mènent à leurs villages, ni les forages d'eau de leurs quartiers. Ils n'ont qu'à continuer à vivre sur les tas d'immondices qui jalonnent les rues de leurs patelins.
17- Dites leur en outre, que les nombreuses usines qui devraient employer des milliers de jeunes chômeurs ne verront plus le jour.
Après tout, c'est vous qui avez le privilège de parler pour eux auprès du chef de l'Etat !
18- Si vous êtes collaborateur immédiat du chef de l'Etat ou ministre, c'est plus simple : commencez d'abord par gonfler les listes électorales, notamment celles de votre village ou de votre quartier qui pourraient passer du simple à X électeurs. De telle sorte que même s'il n'y a que votre village ou votre quartier qui vous vote, vous passez au quart de tour. Ce ne sont pas les responsables en charge des élections qui vous contrediront : vous jouez dans la même cour.
19- De plus, vous pouvez réquisitionner des trains entiers d'électeurs ou des dizaines de camions pour les transporter comme du bétail humain. Ils feront le job.
20- Et comme si tout cela ne suffisait pas, faites de telle sorte que vos collaborateurs les plus proches soient dans tous les rouages de la chaîne électorale : vos directeurs de cabinets, vos chefs de services et de bureaux, vos chauffeurs, plantons et autres techniciens de surface doivent occuper tous les postes.
21- De même, l'achat des consciences est une carotte couleur saumon. Les candidats doivent distribuer énormément de gadgets allant de vélos moteurs aux lampes tempêtes.
Ils doivent également donner d'importantes sommes d'argent sur toute la chaîne (des chefs de quartiers aux électeurs en passant par les membres des bureaux de vote).
22- Les anciens maires, administrateurs- maires et sous-préfets doivent établir en les antidatant des actes de naissance à des milliers de faux électeurs mobiles pour satisfaire les ambitions des candidats qui leurs sont proches.
23-L'établissement des bulletins de vote et des imprimés électoraux est un des leviers de la victoire. Si, le sondage Bantu (notoriété répandue de bouche à oreilles) vous révèle que votre candidat est sérieusement menacé par son adversaire, ne sortez pas les bulletins de vote de ce dernier. Il ira le constater le jour du vote. Ce sera trop tard, le processus suivra son cours normal.
24-Faut-il délivrer des laissez-passer aux candidats ? Faites les attendre toute la nuit qui précède les élections. Sans ces saufconduits, les candidats ne pourront se déplacer pour aller voter ne fusse que pour eux-mêmes.
Si la mayonnaise a pris en ce qui concerne les actes préparatoires, soyez sûrs que le reste est une simple formalité.
Le chemin de la triche est ainsi balisé en amont. Mais on n'est jamais assez prudent.
25- si la circonscription se trouve par exemple dans un district enclavé, prenez le soin de bloquer l'unique voie d'accès en envoyant un contingent de militaires quelques jours avant pour les besoins de la Cause.
LE VERSANT
26-Ouvrez les bureaux de vote tardivement, presqu'en mi-journée. Les électeurs potentiels des adversaires finiront par se décourager et repartiront dans leurs domiciles. Les vôtres ayant reçu les consignes de venir bien après, pourront accomplir leur devoir civique.
27-La distribution du matériel électoral doit se faire à pas de caméléon ; Faites déposer d'abord les urnes ; attendez même que votre propre véhicule de transport en commun que vous avez pris le soin de louer aux organisateurs soit prêt afin de le faire ; de cette manière, l'argent alloué à cet effet rentre dans votre escarcelle ; de toute façon c'est vous qui êtes aux manettes.
28-Arrangez vous pour que la quantité de vos bulletins de vote soit supérieure à celle des autres candidats.
29-Chaque fois qu'un électeur dont vous êtes sûr qu'il n'est pas politiquement de votre côté arrive au bureau de vote, remettez-lui plusieurs bulletins de vote de son parti et un seul du vôtre et dites lui de rentrer rapidement dans l'isoloir.
S’il est avéré que le votant est illettré ou un alphabète (comme c’est souvent le cas), le président du bureau de vote doit lui remettre un seul bulletin qu’il doit impérativement mettre dans l’ enveloppe avant de la glisser dans l’urne. Le temps presse.
30-Les militaires en tenue doivent voter dans tous les bureaux en se déplaçant de circonscription en circonscription dans leurs bahuts, au nom de la sécurité pour tous. Ils sont en mission commandée puisque le pays est en danger!
31-De toute façon, l'encre dite indélébile, n'est qu'un leurre ! Et personne n'osera regarder les doigts des hommes en armes ou des militants surexcités!
32-Les membres des bureaux de vote (président et assesseurs) doivent voter pour les mineurs et les morts. Sauf dans l'hypothèse vérifiable qui s'est produite dans un certain bureau où un veuf a constaté l'enrôlement de son épouse décédée depuis quatre ans. S'étant mis à pleurer, il a sollicité voter lui-même pour sa défunte épouse. Devant le refus justifié du président du bureau de vote, il a préféré déclencher une bagarre considérant que « permettre à quelqu'un d'autre de voter en lieu et place de sa défunte épouse, équivaudrait à la tuer une seconde fois» !
33-Au sortir de l'isoloir, l'électeur ramenant le bulletin délaissé c'est-à-dire celui de votre adversaire doit vous le présentez en guise de trophée. Remettez- lui en retour son dû : une certaine somme d'argent promise. Vous achetez ainsi les votes. Les vendeurs seront nombreux et vous pouvez surfer sur la loi de l'offre et de la demande.
34-Le jour du vote, si des électeurs imprudents commettent la maladresse de crier tout haut qu'ils ne voteront pas pour vous, ou comme l'autre artiste Nkaba Ndouri alias Kabas qu'il veut « toucher du doigt les problèmes du gouvernement» : (eau impure, électricité en morceaux, chômage endémique des jeunes, système de santé précaire, fiscalité dévorante ou éducation en décrépitude…) allez chercher un camion de miliciens pour les bastonner. Tant pis pour eux.
Certains, les prudents, finiront par fuir ; d'autres, les téméraires ou héros vivants, se retrouveront à l'hôpital. Ne vous occupez pas d'eux ; bourrez les urnes en paix!
35-Prenez l'ultime précaution de créer quelques bureaux de vote fictifs dont vous aurez seul, la maîtrise à cent pour cent (100%). Bien entendu, le nombre de votants de ces bureaux doit être au moins l'équivalent de tous les autres bureaux réunis.
36-N'oubliez pas de dire aux tenanciers des bars et autres débits de boissons qu'ils doivent ouvrir et servir à boire à tous ceux qui en auront besoin. Vous paierez la facture. Vous n'y êtes pour rien. C'est KARL MARX qui avait oublié de dire que l'alcool était aussi l'opium du peuple.
Vous étiez au sommet, vous avez culbuté sur le versant. Descendez maintenant dans la vallée…des larmes.
LA VALLEE
37-Contrairement aux dispositions légales, le dépouillement des résultats du vote doit se faire à huit clos.
38-Faites de telle sorte que les présidents des bureaux de vote ne remettent pas de copies des procès-verbaux ou autres formulaires aux délégués ou représentants des autres candidats ou partis politiques.
39-Si vous fermez le bureau de vote avant la tombée de la nuit, demandez aux présidents des bureaux de vote (tous membres du parti au pouvoir) de ne pas afficher les résultats des élections.
40-Dans le cas contraire, c'est-à-dire dans l'hypothèse où la nuit vous surprendrait dans le bureau de vote, et comme souvent il n'y a pas d'électricité, alors, embarquez tout le matériel électoral et allez faire le dépouillement soit chez le chef de quartier ou le chef de village, soit au domicile du maire ou de l'administrateur-maire ou chez l'un des membres du bureau de vote.
41-Les procès verbaux n'ayant pas été remis aux différents délégués des partis politiques, vous pouvez maintenant les modifier à votre guise pour la victoire de votre candidat. Tout cela, en vertu du principe de : « ébonga, ébonga té, toujours meilleur » autrement dit : « Que ça marche ou que ça ne marche pas, le ciel ne tombera pas !»
42- Par-dessus tout, n'oubliez pas la manipulation de la saisie numérique des résultats ; concevez un bon petit plat dit de programme de fraude.
43- Quand vous aurez réunit toutes ces conditions ou quelques unes seulement, rassemblez votre famille, mettez le champagne au frais et asseyez-vous confortablement pour attendre la proclamation des résultats en toute sérénité.
44- Justement, les résultats sont proclamés assez tard dans la nuit. Et puisque la paix est votre crédo, mettez les militaires dans tous les points névralgiques des grands centres urbains. Histoire de sécuriser les populations. On ne sait jamais avec ces assoiffés du pouvoir!
L'animal est entièrement pourri. Une odeur nauséabonde envahit tout le pays. Des voix s'élèvent partout jusqu'aux confins du GONDWANA d'où nous écrit un candidat :
« Comme vous le savez, les résultats du 1 tour des élections législatives ont été rendus publics.
Contre toute attente, le candidat que je suis va au second tour avec un peu plus de 36 pour cent des suffrages exprimés contre le candidat du POUVOIR, et ce, malgré les résultats sortis des bureaux de vote qui me donnaient vainqueur dès le 1 tour avec 61,96 pour cent.
Tenant compte des valeurs prônées et défendues par le parti auquel j'appartiens, à savoir la paix, la tolérance, la justice et la démocratie, bon acte est pris des résultats publiés par la Commission Nationale des Elections.
Cependant, l'exigence républicaine et morale me commande de faire connaitre notre constat sur le déroulement du 1 tour de ces législatives ; car se taire signifierait trahir le peuple et être ennemi de la démocratie.
Il serait vain et fastidieux d'énumérer ici toutes les irrégularités déjà dénoncées par les autres candidats, les observateurs internationaux et les délégués de l'Observatoire Congolais des Droits de l'Homme.
Tout au plus peut-on citer quelques unes :
- La confiscation des procès verbaux par les présidents des bureaux de vote (en effet seuls 9 procès verbaux ont été remis à nos représentants sur 69 attendus).
- La non-publication et le non-affichage des résultats sortis des urnes devant chaque bureau de vote.
- Le refus de signer les actes du scrutin par la CONEL locale dans Les bureaux de vote.
- La confiscation des cartes d'électeurs par certains chefs des quartiers censés les distribuer.
- L'attribution des cartes d'électeurs aux mineurs, aux étrangers et même aux morts. Et bien d'autres entorses qu'il serait malséant de dénoncer ici et publiquement.
Si ces pratiques douteuses se sont déroulées sur toute l'étendue du territoire, cela veut dire qu'elles ont été planifiées. Qui peut donc nous garantir dans ces conditions qu'elles ne vont plus apparaitre au second tour, la triche étant devenue pour certains et dans tous les domaines, le sport national.
Comment donner de la crédibilité à nos institutions si les députés au lieu de sortir des urnes sont nommés de façon homéopathique avec des résultats préétablis ? Au lieu de dépenser des sommes énormes à faire semblant d'organiser des élections, ne peut-on pas trouver un mécanisme pour les nommer directement comme on le fait pour les ministres ? On nous parle d'apaisement ; de quel apaisement s'agit-il ? Quelles valeurs morales, quelles vertus allons-nous inculquer à nos enfants ? Quel Congo laisserons-nous à notre progéniture ?
Au regard de ce qui précède, et des magouilles des élections précédentes, nous comprenons aisément pourquoi nos concitoyens ont rejeté ces élections par un taux d'abstention avoisinant 85 pour cent. Vous avez l'impression que les congolais sont partis. Mais ils sont proches à distance de la politique. Ce qui est une véritable épée de Damoclès sur nos têtes.
En vérité, ils n'ont cru, ni au message à la nation du chef de l'Etat le 31 décembre 2011 sur l'organisation des élections libres et transparentes, ni aux conclusions de la fameuse concertation d'Ewo qui a finalement accouché d'une souris.
Telles qu'elles sont organisées, les élections au Congo portent en elles mêmes les germes d'une explosion sociale. Le Président de la République est-il réellement au courant de ce qui se passe sur le terrain ?
Y a-t-il des concitoyens qui organisent malicieusement ce tripatouillage pour salir l'image du chef de l'Etat ? Et à quelle fin ? Au demeurant, y-a-t-il eu tout simplement des élections ? La réponse est assurément non.
L'ivresse du pouvoir, le mépris du peuple souverain et l'arrogance affichée par les organisateurs de cette farce électorale nous laissent pantois sur les motivations réelles d'un tel comportement.
L'impression qui se dégage est que cette énorme mascarade a été organisée pour pousser le peuple dans la rue. Je dis à ceux qui nous gouvernent, qu'à vouloir trop embastiller un peuple, il arrive inéluctablement un jour où il en prend conscience avec toutes les conséquences que cela pourrait impliquer…Vive la démocratie. Vive la république» Ne vous trompez Pas: celui qui fait une déclaration de cette facture est forcement un mauvais perdant. Il parle d'arnaque électorale alors que nous sommes dans le meilleur des mondes.
45-Demandez immédiatement aux médias d'Etat de claironner haut et fort et pendant longtemps que les élections ont été transparentes, claires, limpides, justes, équitables et libres. Ils doivent continuer à mentir jusqu'à ce que ce soit vrai.
46-Sur ce registre, vous pouvez même anticiper en annonçant dans tous les médias, y compris la radio mondiale que tel ou tel autre candidat qui vous parait ombrageux a échoué dès le commencement.
47-Il y a aussi des perdants qui osent même adresser leurs requêtes à l'institution chargée des contentieux électoraux : La moitié des députés dont un tiers composé de ministres seraient donc, selon eux, mal élus ! De toute façon, << les chiens aboient, la caravane passe >>.
Ceux qui contestent les résultats des élections ne sont que des cafards qui, bien qu'ils se soient saupoudrés, seront indéniablement reconnus par les coqs au tribunal des coqs! La sentence est donc bien connue.
48-Les résultats sont proclamés ; vous vous rendez compte qu'un de vos potes dit opposant mais très proche du pouvoir n'est pas sur la liste des heureux gagnants ; ne vous embarrassez pas de scrupule ; proclamez le sur liste additive ! Il n'y aura pas de tsunami.
49-Mais les critiques fusent de tous côtés : on parle tantôt de République bananière ; de démocratie de façade, de démocrature ou de démoncrature ; tantôt de démocratie à contrecœur, si on n'évoque pas tout nettement une dictature. Bouchez vos oreilles et bombez le torse!
Plus de deux décennies après l'avènement de l'ère démocratique au Congo, force est de constater que nous brillons tous par une attitude frileuse face aux élections. Et chaque fois, ce sont les mêmes gestes, les mêmes scènes, le même spectacle. Nous accréditons ainsi l'idée selon laquelle les élections ne seraient que source d'instabilité, de division, de déchirements inutiles et pourquoi pas de guerres. Est-ce la faute des gouvernants qui veulent coûte que coûte conserver le pouvoir à vie ?
Serait-ce une démission collective des intellectuels très souvent mus par de petits calculs égoïstes sur le sentier de la compromission ?
Comment conjurer les périls? Il ne s'agit nullement de catastrophisme électoral, mais plutôt d'affronter à la fois l'actualité et la réalité en face.
Le Congo souffre. Chaque période électorale accentue les frustrations et les mécontentements prospèrent. Il faut exorciser le mal. Faut désespérer? Voici ce qu'en pensait le Chef de l'Etat, Denis SASSOU NGUESSO, le 26 avril 1991: « … Je crois et je sais que le Congo a la capacité de se ressaisir, dans une totale communion des cœurs, des intelligences et de la raison. Il en va de notre destin collectif. Faut-il enjamber d'autres corps pour arriver à la démocratie? Ma réponse est non. Bien évidemment. Non, car l'on ne construit jamais l'unité et l'avenir sur les déchirements et la haine... » Le parcours démocratique des autres pays doit nous servir de boussole. Copions ce qui est bon et ne cherchons pas des prétextes fallacieux pour camoufler nos manquements. Il ne sert à rien de tricher pour prouver au président qu'on travaille bien ou qu'on bosse pour lui. Il faut penser Nation. Il faut de la probité morale ; il faut un retour à la morale publique.
Et c'était déjà ce que, dans son discours à l'occasion de la première session de l'Assemblée Nationale, le 10 mai 1960, le Président Fulbert YOULOUévangélisait en ces termes : « notre accession à de nouvelles responsabilités doit aller de pair avec l'acquisition d'un sens civique élevé et le désir de bien et réellement servir le Congo…pour que ses habitants vivent mieux.»
Les congolais ne sont ni dans un sprint final, ni dans un marathon sur l'Avenue de la paix ; il s'agit tout simplement d'une course de relais où la génération qui précède doit savoir transmettre à la suivante le capital de l'entreprise commune. Et il faut que ce capital soit constitué essentiellement et avant tout, de la donne universelle d'écologie électorale…
En cette fin d'après midi, tandis que je suis debout en train de contempler l'Océan Atlantique qui avale le soleil à l'horizon, mon ombre s'allonge irrésistiblement.
Je mesure alors avec forte conviction la vanité et l'orgueil de nos ambitions politiques souvent bassement matérielles dans ce monde si volatile où le Congo n'est qu'un grain de sable et nous-mêmes, une fine pincée de ce grain moulu!
Enlevons donc nos vieux habits de tricheurs invétérés et laissons à nos enfants un Congo vertueux et souvenons-nous à jamais l'enseignement de l'ecclésiaste à savoir: « Vanité des vanités, tout est vanité…»
COMPOSITION ET SUPERVISION D’IMPRESSION
Cabinet du Député Mabio MAVOUNGOU-ZINGA,
Achevé d’imprimer en Mai 2013 sous le
n°832/LL/04 13
Dépôt légal Mars 2O13